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JURISPRUDENCE - DROIT COMMERCIAL 

ANNEE 1999

N° 562.- CAUTIONNEMENT.
- Effets.- Héritiers de la caution.- Obligation.- Etendue.- Dettes nées postérieurement au décès de la caution.- 
Si, aux termes de l'article 2017 du Code civil, les engagements des cautions passent à leurs héritiers, ceux-ci ne peuvent être tenus des dettes nées postérieurement au décès de leur auteur. 
Ainsi, lorsqu'il est établi qu'à la date du décès de la caution, aucune dette de loyers ou de charges locatives n'existait à la charge des locataires pour lesquels le défunt s'était porté caution, l'héritière de ce dernier ne peut être tenue au paiement des sommes litigieuses. 
C.A. Versailles (1ére ch., B), 4 juin 1999
N° 99-1049.- Mme Cau c/ SCP Rue du Tour 
M. Chaix, Pt.- Mmes Métadieu et Le Boursicot, Conseillers.- 
A rapprocher : 
Civ. 1, 10 juin 1997, Bull. 1997, I, n° 194, p. 129 et l'arrêt cité

...

N° 789.- CAUTIONNEMENT. 
- Etendue.- Engagement à l'égard d'une société.- Fusion de sociétés.- Créances antérieures à la fusion.- Antériorité de la créance.- 
Appréciation 
En cas de fusion d'une société envers laquelle une caution s'est engagée et d'une autre société, il est de principe que la caution ne peut être poursuivie que pour des créances antérieures à la date de la fusion, sauf manifestation expresse de volonté de sa part envers la nouvelle personne morale ou en cas de fraude. 
La créance d'une banque ne prenant naissance à l'encontre de la caution qu'à la suite de la défaillance du débiteur principal, c'est-à-dire à partir des échéances impayées, même si elle a pour fondement un acte notarié antérieur, lorsqu'il est établi que cette défaillance a eu lieu postérieurement à une opération de fusion de l'établissement bancaire absorbé envers lequel la caution s'est engagée, la banque, nouvelle personne morale, qui n'invoque ni un nouvel engagement de la caution, ni une fraude, ne dispose d'aucun titre exécutoire lui permettant de pratiquer une saisie à l'encontre de la caution. 
C.A. Dijon (1ère ch., sect. 2), 13 octobre 1999 
N° 00-132.- Mme Bonvarlet c/ banque San Paolo 
M. Verpeaux, Pt.- M. Kerraudren et Mme Clerc, Conseillers.- 
A rapprocher : 
Com., 17 juillet 1990, Bull. 1990, IV, n° 216, p. 148 et l'arrêt cité 

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N° 641.- BANQUE.
- Responsabilité.- Prêt.- Connaissance de la situation de faiblesse de l'emprunteur.- Réparation.-
En application des articles 1134 et 1146 et suivants du Code civil, une banque, professionnel du prêt de consommation, est tenue d'une obligation de conseil et d'information des emprunteurs profanes dont l'étendue s'apprécie au regard des circonstances.
Manque gravement à la bonne foi et à cette obligation la banque qui, en connaissance de l'âge et de la situation de faiblesse intellectuelle de ses clients, les a engagés à se porter emprunteur d'un "crédit de trésorerie" destiné, en réalité, aux seuls besoins des cautions de cet engagement auxquels l'argent a été immédiatement remis, sans faire connaître aux emprunteurs la portée exacte de leur décision, disproportionnée avec leur revenus de retraités et dont ils n'étaient pas en mesure d'estimer par eux-mêmes l'importance et la durée. Ces fautes justifient au profit des emprunteurs une réparation équivalente au montant des sommes qu'ils ont payées du chef de cet engagement intempestif.
C.A. Bordeaux (1ère ch., sect. A), 3 août 1999
N° 99-1089.- Epoux Revidat c/ époux Georgevail et a.
M. Bizot, Pt.- M. Cheminade et Mme Carbonnier, Conseillers.-

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ETUDE SUR LES VOIES D'EXÉCUTION DANS LA PROCÉDURE COLLECTIVE

(extrait du rapport annuel de la Cour de Cassation - 1999)

A. Les étapes de la procédure collective

La période d'observation ouverte par le jugement de redressement judiciaire et qui s'achève par l'adoption d'un plan de redressement ou par le prononcé de la liquidation judiciaire est destinée à établir un bilan économique et social ainsi que des propositions tendant à la continuation ou à la cession de l'entreprise. En principe, l'activité est poursuivie de même qu'elle peut l'être pendant la liquidation judiciaire. Les créanciers dont les créances sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture peuvent les recouvrer en utilisant des voies d'exécution.

Au cours de la période d'observation, conformément aux dispositions des articles 33, alinéa 2, et 34 de la loi du 25 janvier 1985, le débiteur ou l'administrateur peut être autorisé par le juge commissaire à disposer d'un bien à l'égard duquel le créancier antérieur est, quant à lui, privé de tout droit de poursuite individuelle. Il peut proposer au créancier, la substitution de la garantie que celui-ci détient sur ce bien par une garantie équivalente. En l'absence d'accord, le juge-commissaire peut ordonner la substitution de la garantie. Lorsque le bien vendu est grevé d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances affectées d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, est versée à la Caisse des dépôts et consignations. Le paiement, sous

réserve de la possibilité d'un paiement provisionnel ordonné par le juge-commissaire, intervient, au terme de la période d'observation, en respectant l'ordre des paiements, propre à la procédure collective.

Lorsqu'un plan de continuation est arrêté, les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective reçoivent le paiement de leurs créances suivant les délais du plan et ne retrouvent pas leur droit de poursuite individuelle. Ils peuvent seulement demander la résolution du plan si le débiteur ne respecte pas ses engagements. Le débiteur remis à la tête de ses affaires peut disposer de ses biens à moins que le tribunal n'ait prévu une clause d'inaliénabilité et peut proposer aux créanciers une substitution de la garantie qu'ils ont sur ces biens. Lorsque le bien est vendu, le prix est versé à la Caisse des dépôts et consignations et réparti par le commissaire à l'exécution du plan suivant l'ordre des paiements, propre à la procédure collective, entre les créanciers qui reçoivent les dividendes à échoir d'après le plan, réduits en fonction du paiement anticipé.

Lorsqu'un plan de cession totale des actifs est arrêté, le tribunal affecte une quote-part du prix de cession à chacun des biens compris dans la cession pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence. Le paiement du prix de cession emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, sous réserve des sûretés immobilières ou mobilières spéciales transmises au cessionnaire, en application de l'article 93, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 modifié par la loi du 10 juin 1994. Les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire. Le prix de cession est réparti entre les créanciers par le commissaire à l'exécution du plan qui, s'agissant des immeubles compris dans la cession, établit l'ordre, suivant les règles spécifiques prévues pour la procédure d'ordre aux articles 140 à 150 du décret du 27 décembre 1985. (Article 93, alinéa 1 et 3, de la loi du 25 janvier 198, 103-3 du décret du 27 décembre 1985 ; Com., 17 janvier 1995, Bull. n° 17). Les biens non compris dans le plan de cession sont vendus par le commissaire à l'exécution du plan comme en matière de liquidation judiciaire et la répartition du prix obéit aux règles de la procédure d'ordre (article 104 du décret du 27 décembre 1985). Le jugement de clôture des opérations relatives à la cession ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf dans les cas énumérés à l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 (article 92 dernier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985).

Lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, le liquidateur a pour mission de réaliser les actifs du débiteur, de répartir le produit des ventes et de régler l'ordre entre les créanciers. Les ventes d'immeubles ont lieu, soit suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière sous réserve de certaines adaptations, soit par adjudication amiable, soit de gré à gré suivant le choix opéré par le juge-commissaire. Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque ainsi que le Trésor public peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leur créance exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation judiciaire (art. 161, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985). Ce droit d'exercer les poursuites et d'engager des mesures d'exécution n'a pas pour effet de modifier l'ordre des paiements (Com., 19 décembre 1995, Bull. n° 305). Le jugement de clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf dans les cas énumérés à l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985.

 

B. Les créanciers de la procédure

L'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance. Le droit d'être payé à l'échéance est indissociable du droit d'exercer les poursuites (Com., 25 juin 1996, D. 1996, J. 6I6, note Pr Derrida). Le créancier peut, dans l'exercice de son droit de poursuite, obtenir la délivrance d'un titre exécutoire sans porter atteinte à l'ordre des paiements fixé par l'article 40 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 (Com., 13 octobre 1998, Bull. n° 239). L'exercice de ce droit n'est pas subordonné à l'inscription sur la liste des créances mentionnées à l'article 40 prévue par l'article 61 du décret du 27 décembre 1985, disposition abrogée par le décret du 21 octobre 1994 (Com., 11 février 1997, Bull. n° 49)

Les créanciers de la procédure peuvent donc utiliser toutes les voies d'exécution pour obtenir le paiement de leurs créances. La réforme des procédure civiles d'exécution a rendu attractifs, la saisie-attribution et l'avis à tiers détenteur. La jurisprudence s'est prononcée sur la qualité de tiers saisi, des organes de la procédure et sur l'indisponibilité des sommes versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations par ces organes.

Si la reconnaissance de la qualité de tiers, au notaire chargé par le liquidateur de la vente d'un fonds de commerce (Com., 11 février 1997, précité) ou au commissaire priseur détenteur de sommes provenant de la liquidation d'actifs (Com., 3 juin 1997, RTD Com 1998, 210 obs.Pr. Martin Serf) ne souffre pas de difficulté, la solution est moins évidente concernant le liquidateur qui représente le débiteur soumis à la mesure de dessaisissement prévue par l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985. Cependant, comme l'exprime le Pr Derrida dans son commentaire à l'arrêt précité du 25 juin 1996 qui, en refusant d'annuler l'avis à tiers détenteur délivré au liquidateur, a implicitement reconnu la qualité de tiers à ce dernier, le liquidateur détient les sommes appartenant au débiteur en qualité d'organe de la procédure et la réunion en sa personne, des pouvoirs correspondant à ses différentes qualités ne saurait faire obstacle à la différenciation qui en résulte. La Cour de cassation désigne le liquidateur comme tiers saisi (Com., 22 avril 1997, Bull. n° 104 ; 5 mai 1998, Bull. n° 143). Sans se contredire, elle approuve les juges du fond d'avoir ordonné la mainlevée d'une saisie-attribution, faite entre les mains du liquidateur pris personnellement comme détenteur des fonds appartenant au débiteur car le liquidateur ne détient pas, en son nom personnel mais en qualité d'organe de la procédure, les sommes d'argent appartenant au débiteur qui lui sont remises dans l'exercice de ses fonctions (Com., 3 février 1998, Bull. n° 51). La qualité de tiers saisi a également été reconnue au commissaire à l'exécution du plan, détenteur des fonds représentant le prix de cession de l'entreprise débitrice (Com., 8 décembre 1998 RJDA 3/99 n° 308). La solution est identique s'agissant de l'administrateur.

Les créanciers de la procédure peuvent donc saisir les sommes détenues par les organes de la procédure. Dans le pourvoi jugé le 8 décembre 1998, l'avis à tiers détenteur a été notifié au commissaire à l'exécution du plan entre le jugement arrêtant le plan de cession et la signature de l'acte de cession. Les fonds représentant le prix de cession, qui ont été déposés à la banque après la délivrance de l'avis, ont pu être saisis. Il en va autrement si les fonds sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations. L'article 173 du décret du 27 décembre 1985 interdit toute opposition sur ces fonds et toute procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 21 octobre 1994. Dans l'arrêt précité du 22 avril 1997, il a été jugé que cette disposition réglementaire interdit toute opposition, et, par là même, toute saisie-attribution ou avis à tiers détenteur sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations. Dans l'arrêt du 25 janvier 2000 (pourvoi n° M 96-20.8I8), le même motif est repris pour prononcer la cassation d'une décision également cassée pour excès de pouvoir parce qu'elle a statué sur une exception d'illégalité contre le décret en retenant que, seule, une loi pouvait rendre certains biens insaisissables. L'indisponibilité joue à l'égard des sommes déposées avant que ne prenne effet l'acte de saisie entre les mains du mandataire de justice. Il ne peut être pallié à la saisie opérée par le receveur des impôts auprès du commissaire à l'exécution du plan par un transfert ultérieur des fonds à la Caisse des dépôts et consignations, ordonné par le juge de l'exécution (Com., 8 décembre 1998 précité ).

Le Conseil d'Etat a par décision du 9 février 2000, déclaré que l'article 173 du décret du 27 décembre 1985 est entaché d'illégalité au motif que la disposition relève du domaine de la loi.

La saisie-attribution et l'avis à tiers détenteur constituent une mesure efficace pour cette catégorie de créanciers et ont éclipsé les autres voies d'exécution qui sont moins en phase avec la durée de la procédure collective.

 

C. Vente des immeubles aux enchères publiques

Les ventes d'immeubles d'un débiteur en liquidation judiciaire ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière selon l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985 qui reprend une solution traditionnelle d'après laquelle l'expropriation forcée des biens immobiliers requiert cette voie d'exécution. Toutefois, cet article innove en donnant la faculté au juge-commissaire d'opter pour une vente par adjudication amiable ou de gré à gré. Les voies d'exécution forcée doivent être adaptées à la situation spécifique d'une vente ordonnée par un juge à la requête d'un mandataire de justice, chargé de réaliser l'actif du débiteur dessaisi pour assurer le désintéressement des créanciers.

L'autorisation de vendre étant donnée par le juge-commissaire qui peut opter pour une cession de gré à gré, lorsque ce magistrat a autorisé le liquidateur à vendre l'immeuble par voie de saisie immobilière, il ne peut plus être demandé au tribunal de grande instance de convertir cette vente en vente volontaire sur le fondement des articles 744 et 745 du Code de procédure civile (Com., 11 avril 1995, Bull. n° 122).

Le juge-commissaire fixe la mise à prix des biens à vendre, les conditions essentielles de la vente, les modalités de publicité dans l 'ordonnance qui se substitue au commandement de saisie immobilière. Il peut préciser qu'à défaut d'enchères atteignant la mise à prix, la vente pourra se faire à une mise à prix inférieure qu'il fixe. Cette précision est utile car le liquidateur ne peut ni en son nom personnel , ni en qualité de représentant des créanciers, être déclaré adjudicataire. Le liquidateur peut être autorisé à poursuivre simultanément la vente de plusieurs immeubles même s'ils sont situés dans des ressorts de tribunaux de grande instance différents et le juge choisit le tribunal compétent pour la vente (articles 125, 126, 129, du décret du 27 décembre 1985). L'ordonnance est rendue par le juge qui doit entendre le débiteur et recueillir les observations des contrôleurs. Elle est notifiée à la diligence du greffier au débiteur et aux créanciers inscrits( article 126 du décret du 27 décembre 1985). La notification fait courir le délai de huit jours pour former un recours devant le tribunal. Le tribunal statue en dernier ressort. L'appel demeure possible, néanmoins si le juge-commissaire a statué en dehors des limites de ses attributions, si le tribunal commet un excès de pouvoir ou viole un principe fondamental de procédure. Il est ouvert au ministère public en application de l'article 173-1 de la loi du 25 janvier 1985.

Malgré la mesure de dessaisissement dont il est l'objet après le prononcé de la liquidation judiciaire, le débiteur dont les droits et actions sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur dispose d'un recours lui permettant de sauvegarder ses droits. Une fois cette ordonnance passée en force de chose jugée, il appartient au liquidateur, investi du pouvoir de représenter le débiteur, de diligenter la procédure de saisie . Le liquidateur est alors dispensé d'adresser au débiteur la sommation de prendre connaissance du cahier des charges (Chambre mixte, 5 décembre 1997, Bull. n° 2). Le débiteur ne peut contester les éléments déterminés par le juge-commissaire repris dans le cahier des charges que par le recours contre l'ordonnance mais il conserve le droit de présenter des dires sur d'autres points de la procédure de saisie immobilière.

Le créancier qui a le droit de poursuivre la réalisation de l'immeuble si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation judiciaire, exerce ce droit dans les mêmes conditions que le liquidateur. Il se substitue au liquidateur auquel il appartient cependant de répartir le produit de la vente sans que l'ordre des paiements soit modifié par l'initiative prise par le créancier. L'intervention du juge-commissaire est indispensable (Com., 19 mars 1991, Bull. n° 103 p. 72). Depuis la réforme introduite par la loi du 10 juin 1994, le juge-commissaire n'est plus tenu lorsque le créancier prend l'initiative des poursuites d'ordonner la saisie immobilière mais il peut choisir l'adjudication amiable ou la vente de gré à gré. (article 161 de la loi du 25 janvier 1985). La mise à prix est déterminée en accord avec le créancier poursuivant de sorte qu'en cas de carence d'enchères, le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire pour la mise à prix, en application de l'article 706 alinéa 2 du Code de procédure civile, que le juge-commissaire ait usé ou non de la faculté qui lui appartient de fixer dans l'ordonnance autorisant la vente, une mise à prix inférieure à la mise à prix initiale (Com. 6 janvier 1998, Bull. n° 2).

La saisie immobilière en cours à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective n'est plus caduque mais seulement suspendue, conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985, introduit par la loi du 10 juin 1994. La suspension opère de plein droit et les délais impartis à peine de déchéance sont suspendus. Le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur. L'autorisation est donnée par le juge-commissaire qui prend sa décision après avoir entendu le débiteur. Le juge-commissaire fixe la mise à prix et le cas échéant les nouvelles publicités qu'il y a lieu d'effectuer (art. 126-1 du décret du 27 décembre 1985). Ce pouvoir incombe au juge-commissaire même si le cahier des charges est devenu définitif et selon le point de vue exprimé par M. Sénéchal, le juge-commissaire peut fixer comme il l'entend les conditions de la vente si le cahier des charges n'est pas devenu définitif (Les ventes d'immeubles aux enchères publiques p.95, Actes du colloque du CRAJEFE Sophia Antipolis 29 mai 1999). L'ordonnance du juge-commissaire est susceptible des voies de recours ci-dessus énoncées. L'article 126-1 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 dispose que l'ordonnance du juge-commissaire est, à la requête du liquidateur, mentionnée en marge de la copie du commandement publié à la conservation des hypothèques, ce qui constitue une dérogation à la règle ci-dessus énoncée selon laquelle l'ordonnance du juge-commissaire se substitue au commandement de saisie immobilière et rend caducs les commandements publiés avant le jugement d'ouverture. Le créancier hypothécaire inscrit sur l'immeuble peut également demander à reprendre la procédure de saisie immobilière et est alors dispensé des actes et formalités effectués avant le jugement (article 161, alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée). Le juge-commissaire doit fixer la mise à prix en accord avec le créancier poursuivant puisque ce dernier peut être déclaré adjudicataire en cas de défaut d'enchères. La reprise de la saisie-immobilière engagée avant l'ouverture de la procédure collective est une faculté donnée au juge-commissaire qui reste maître du choix des modes de réalisation des actifs sous le contrôle du tribunal.

L'article 129 du décret du 27 décembre 1985 énonce que la vente sur saisie immobilière est soumise aux dispositions du Titre XII du Livre V du Code de procédure civile à l'exception de l'article 692 et dans la mesure où il n'y est pas dérogé par les dispositions du présent décret. Cette disposition donne à la jurisprudence le soin de déterminer les dispositions du Code de procédure civile qui sont applicables en tenant compte de la spécificité de la saisie dans la procédure collective , engagée dans l'intérêt collectif des créanciers à l'égard du débiteur dessaisi sur un immeuble indisponible par l'effet du jugement d'ouverture, destiné en toute hypothèse à être réalisé ( cf. article de M. Sénéchal précité). Les formalités prévues à peine de déchéance en vue d'assurer la protection du débiteur saisi au cours de la procédure de saisie n'apparaissent pas adaptées à l'objectif poursuivi. L'absence de renvoi par l'article 129 du décret précité aux dispositions du Titre XIII du Livre V du Code de procédure civile sur les incidents de la saisie immobilière ne doit pas être interprétée en ce sens que ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer. Il est vrai que certains incidents ne peuvent pas se produire, tels celui relatif à une contestation portant sur la créance du créancier poursuivant qui relève de la procédure de vérification des créances dans la procédure collective, tel celui relatif à un concours de plusieurs créanciers saisissants (cf. article de M. Sénéchal précité).

L'adjudication amiable comme la saisie-immobilière comporte également deux phases, la première relative à l'ordonnance du juge-commissaire qui détermine les conditions de la vente et désigne le notaire qui procédera à l'adjudication, la seconde relative à l'élaboration d'un cahier des charges par le notaire qui va le communiquer aux créanciers inscrits. Le décret du 21 octobre 1994 a complété l'article 133 du décret du 27 décembre 1985 pour préciser que les contestations relatives au cahier des charges sont portées devant le tribunal de grande instance. Le liquidateur, le débiteur et les créanciers inscrits sont convoqués à la vente par le notaire. Les enchères sont dispensées du ministère d'avocat. Si aucune enchère n'atteint le montant de la mise à prix, le notaire constate l'offre la plus élevée et peut adjuger provisoirement le bien pour le montant de l'offre. Le juge-commissaire peut, soit déclarer l'adjudication définitive et la vente réalisée, soit ordonner une nouvelle vente suivant l'une des formes prescrites par l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985. Toute personne peut faire surenchère auprès du greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel réside le notaire qui a procédé à la vente. Le tribunal par le jugement qui valide la surenchère , renvoie la nouvelle adjudication devant le même notaire qui procède selon le cahier des charges précédemment dressé. S'il y a lieu à folle enchère, la procédure est poursuivie devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel réside le notaire. Pour définir les règles de procédure, il est renvoyé aux dispositions sur la saisie immobilière, énumérées à l'article 137 du décret du 27 décembre 1985.

Ces deux procédures d'exécution forcée des immeubles emportent purge des hypothèques. Une innovation importante introduite par la loi du 25 janvier 1985 a consisté à confier au liquidateur la mission de répartir le produit des ventes et de régler l'ordre entre les créanciers. La compétence du juge des ordres est maintenue pour prononcer la radiation des inscriptions et celle du tribunal de grande instance pour connaître des contestations formées contre l'état de collocation des créanciers dressé par le liquidateur au vu des inscriptions, des créances admises et de la liste des créances de la procédure.

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Conclusion

Les réformes successives de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, la loi portant réforme des procédures civiles d'exécution donnent un large champ d'activité à la jurisprudence chargée de les appliquer en conciliant l'intérêt individuel du créancier cherchant à contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations et l'intérêt collectif des créanciers soumis à une procédure collective qui en outre, dans la phase de redressement, poursuit d'autres buts que l'exécution des biens du débiteur. Ces intérêts sont antagonistes lorsqu'il faut déterminer le moment où prend effet l'arrêt des poursuites individuelles et la portée des saisies sur des créances à terme ou en germe. Ils le sont également au sein de la procédure collective lorsque les créanciers de la procédure s'emparent de ces voies d'exécution. Ils ne le sont pas lorsque des mesures sont adoptées pour améliorer l'efficacité de la réalisation forcée des immeubles du débiteur en liquidation judiciaire et de la procédure d'ordre dont la déjuridictionalisation ouvre des perspectives intéressantes.

 

Françoise AUBERT
Conseiller à la Cour de cassation


 

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