JURISPRUDENCE PENALE

ANNE 2001

 

00-83.608 
Arrêt n° 7688 du 16 janvier 2001 
Cour de cassation - Chambre criminelle 
Annulation 


Demandeurs à la cassation : M. Yves Gouyou-Beauchamps, M. Christian Grimaldi, Mme Françoise Laborde, M. François Ponchelet et M. Jean-Alphonse Richard 


Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Xavier Gouyou-Beauchamps, François Ponchelet et Françoise Laborde, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66 de la Constitution, 111-4 et 121-3 du Code pénal, 2 de la loi du 2 juillet 1931, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Xavier Gouyou-Beauchamps, Françoise Laborde et François Ponchelet coupables de complicité de publication, avant décision judiciaire, d'informations relatives à des constitutions de partie civile, leur a infligé une peine d'amende, les a condamnés à verser une indemnité à François Léotard, partie civile, et a ordonné la diffusion dans des journaux télévisés de France 2 de communiqués résumant la substance de l'arrêt ;

"aux motifs propres et adoptés que le 18 septembre 1997, les consorts Nicolai-Duplessis avaient déposé plainte avec constitution de partie civile pour prise illégale d'intérêts contre X, mais en désignant clairement François Léotard ; que cette plainte avait fait l'objet d'une première dépêche de l'agence France-Presse diffusée le 18 septembre 1997 à 15 heures 58 sous le titre "Dépôt d'une plainte contre X visant l'ancien maire de Fréjus, François Léotard", puis d'une seconde à 16 heures 08 sous le titre "Plainte visant François Léotard, le président de l'UDF porte plainte à son tour" et contenant un communiqué rédigé par François Léotard faisant part de son intention de déposer plainte à son tour pour dénonciation calomnieuse ; que dans son édition du 18 septembre 1997, le quotidien Le Figaro avait publié un article intitulé "François Léotard visé, nouvelle procédure à Fréjus, les plaignants accusent l'ex-maire d'avoir rendu les terrains inconstructibles pour préserver les abords de sa propre villa", annonçant le dépôt imminent de la plainte ; que le 19 septembre 1997, il avait été rendu compte de celle-ci dans le journal Nice Matin et dans le quotidien Var Matin, ainsi qu'aux journaux télévisés de France 2 de 8 heures et de 13 heures, dont les rédacteurs en chef étaient alors respectivement Françoise Laborde et François Ponchelet, le directeur de publication étant Xavier Gouyou-Beauchamps ; que ces personnes avaient été renvoyées du chef de publication avant décision judiciaire d'information relative à une constitution de partie civile, délit prévu et réprimé par l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 (arrêt p. 7 et 8) ; qu'il n'importait que les informations données aient déjà fait l'objet d'une publication ; que la circonstance que François Léotard ait lui-même donné des renseignements à l'AFP était sans incidence sur les faits commis (arrêt p. 11) ; que la loi du 2 juillet 1931 avait pour objet de prévenir le préjudice susceptible d'être causé à une personne visée par une constitution de partie civile se révélant abusive soit d'emblée soit même seulement à l'issue de l'information, de garantir la présomption d'innocence et de prévenir toute influence sur la justice (arrêt p. 12) ; qu'il résultait des travaux préparatoires de la loi que le but du législateur avait été d'éviter qu'une publicité soit donnée à des procédures qui ne relevaient que de l'initiative des particuliers et étaient susceptibles de faire l'objet d'une décision de non-lieu, étant précisé qu'une telle publicité aurait pour effet de discréditer sans motif légitime la personne visée par la plainte et de servir les rancunes et intérêts privés qui avaient motivé le dépôt de cette dernière (jugement p. 9) ; que le fait justificatif de bonne foi, applicable aux infractions de presse, était sans application au délit prévu par la loi du 2 juillet 1931, et que l'objectivité des auteurs était donc inopérante ; que s'agissant du journal télévisé de 13 heures, les renseignements sur la plainte avec constitution de partie civile avaient été donnés par le présentateur et une journaliste ; que François Ponchelet était à l'époque des faits rédacteur en chef de ce journal ; que devant le juge d'instruction, il avait reconnu les faits, indiquant qu'il avait visionné l'enquête effectuée par le journaliste, et qu'il lui avait semblé que ce dernier relatait les faits dans leur parfaite exactitude mais qu'il ignorait l'existence de la loi de 1931 et que c'était en toute bonne foi qu'il avait laissé diffuser le reportage ; que devant la cour, il prétendait, avec Xavier Gouyou-Beauchamps, qu'il avait commis une erreur de droit, et qu'en tout état de cause l'élément intentionnel faisait défaut ; que l'erreur de droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal n'est exonératoire que si elle ne pouvait être évitée ; qu'il appartenait à un professionnel de l'information de se renseigner sur les limites apportées par la loi au droit d'information du public ; que l'élément intentionnel était caractérisé par la diffusion volontaire des propos incriminés ; que cependant François Ponchelet, qui n'avait pas diffusé lui-même les propos, mais seulement donné son accord en tant que rédacteur en chef, devait au même titre que Xavier Gouyou-Beauchamps, en sa qualité de directeur de publication de la chaîne, être déclaré complice de la publication (arrêt p. 12 et 13) ; qu'en effet, le directeur de publication d'un journal qui autorisait la publication d'un article dont il avait nécessairement connaissance dans l'exercice de ses fonctions de contrôle, participait sciemment de façon active, en qualité de complice, par aide et assistance et par fourniture de moyens, au délit (arrêt p. 11) ; que s'agissant du journal télévisé de 8 heures, les propos donnant des renseignements sur le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile avaient été tenus par le présentateur et la même journaliste ; que Françoise Laborde était rédacteur en chef ; qu'elle avait admis, lors de sa comparution devant le juge d'instruction, avoir diffusé l'information ; qu'il était bien dans ses attributions et pouvoirs de rédacteur en chef, comme l'avait d'ailleurs reconnu François Ponchelet, de s'y opposer ; que contrairement à ce que soutenait Françoise Laborde, la loi n'incriminait pas seulement la divulgation d'informations, ce qui pourrait effectivement donner à entendre qu'il n'y aurait pas d'infraction en cas de publication d'une information déjà divulguée, mais la publication d'informations, même déjà portées à la connaissance du public par d'autres médias ; que comme pour François Ponchelet, l'élément intentionnel était caractérisé par la diffusion volontaire de l'information, quelles qu'aient été les précautions prises dans un souci louable d'objectivité en annonçant que François Léotard avait déposé plainte pour dénonciation calomnieuse ; que cependant, Françoise Laborde, au même titre que Xavier Gouyou-Beauchamps, devait être déclarée coupable de complicité du délit reproché (arrêt p. 13) ;

"1/ alors que, d'une part, l'incrimination de publication d'informations relatives à une constitution de partie civile a seulement pour objet de protéger le crédit et la considération des personnes mises en cause pénalement, et ne tend pas à garantir la présomption d'innocence ni l'autorité et l'indépendance de la justice, qui sont protégées par d'autres incriminations ; qu'en conséquence le prévenu d'infraction à l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931 échappe à la responsabilité pénale si la publication a été effectuée en termes prudents et objectifs et a ménagé la considération de la personne mise en cause en s'abstenant de présenter sa culpabilité comme certaine ; que la Cour constatait que les journaux télévisés de France 2 avaient diffusé en termes objectifs la nouvelle de la plainte avec constitution de partie civile déposée contre François Léotard, et annoncé que ce dernier avait lui-même réagi en portant plainte contre ses accusateurs, ce dont il résultait que le crédit et la considération de la personne mise en cause avaient été ménagés, et que la culpabilité des rédacteurs en chef et directeur de publication de ces journaux ne pouvait être retenue ;

"2/ alors que, d'autre part, les restrictions admises la liberté d'expression font l'objet d'un contrôle strict de proportionnalité qu'il appartient au juge national de mettre directement en oeuvre en vertu du principe de subsidiarité du droit conventionnel européen ; que la Cour n'a pu en l'espèce refuser d'exercer pareille compétence motif pris de la volonté émise par le législateur en 1931 dont elle s'est bornée à prendre acte ; qu'il lui appartenait au contraire de rechercher si la prohibition litigieuse répondait toujours à une "impérieuse nécessité" dans une société démocratique en l'état notamment de la publicité déjà donnée par le plaignant lui-même à l'information dont il reproche la publication aux demandeurs, de l'intérêt public s'attachant à une information relative à un acte de la fonction d'un homme politique, enfin de la présentation faite de bonne foi d'une information délivrée au public en termes objectifs et mesurés, respectueuse tant de la réputation que de la présomption d'innocence du plaignant ;

"3/ alors, en toute hypothèse, que le délit de publication d'informations relatives à une constitution de partie civile n'est réalisé que si l'auteur de la publication avait conscience de porter atteinte au crédit et à la considération de la personne mise en cause ; que la Cour, qui constatait la prudence et l'objectivité de la présentation des faits donnée par les journaux de France 2, ne pouvait retenir l'intention coupable des prévenus" ;

Et sur le moyen d'annulation relevé d'office pour Christian Grimaldi et Jean-Alphonse Richard, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Vu ledit article ;

Attendu que, selon l'article 10 précité, toute personne a droit à la liberté d'expression ; que l'exercice de ce droit ne peut comporter de conditions, restrictions, ou sanctions prévues par la loi, que lorsque celles-ci constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêche la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la publication de plusieurs articles parus dans les quotidiens "Le Figaro", "Var Matin", "Nice Matin" et d'informations diffusées par la chaîne de télévision "France 2" relatant le dépôt, par les consorts Nicolaï Duplessis, d'une plainte avec constitution de partie civile, pour prise illégale d'intérêts, qui mettait en cause François Léotard, celui-ci a engagé des poursuites contre les journalistes sur le fondement de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931, interdisant de publier, avant décision judiciaire, toute information relative à des constitutions de partie civile ; que Christian Daurès et Thierry Prudhon, signataires de l'article publié dans "Nice-Matin", Jean Richard, auteur de l'article du "Figaro", Françoise Laborde et François Ponchelet, rédacteurs en chef des journaux télévisés de "France 2", ainsi que Xavier Gouyou-Beauchamps, Christian Grimaldi et Jean-Pierre Milet, directeurs de publication, ont été condamnés de ce chef ;

Mais attendu que l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931, par l'interdiction générale et absolue qu'il édicte, instaure une restriction à la liberté d'expression qui n'est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l'article 10.2 de la Convention susvisée ; qu'étant incompatible avec ces dispositions conventionnelles, il ne saurait servir de fondement à une condamnation pénale ;

D'où il suit que l'arrêt doit être annulé ; que par application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, il y a lieu d'en étendre les effets à Christian Daurès, Thierry Prudhon et Jean-Pierre Milet qui ne se sont pas pourvus ;

Par ces motifs,

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 9 mars 2000 ;

Et vu l'article L.131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Attendu qu'il ne reste rien à juger, les faits poursuivis ne pouvant être l'objet d'aucune incrimination ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille un ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Président : M. Cotte 
Rapporteur : Mme Karsenty, conseiller référendaire 
Avocat général : M. de Gouttes 
Avocats : Me Bouthors - S.C.P. de Chaisemartin et Courjon


 

ANNEE 2000

 

N° 145. - INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION.
Demande. - Délai. - Forclusion. - Relevé. - Motif légitime. - Définition.
Doit être relevée de forclusion pour motif légitime au sens de l'article 706-5 du Code de procédure pénale la victime qui a tenté d'exécuter auprès du débiteur les décisions judiciaires obtenues avant de saisir la Commission d'indemnisation des victimes.
C.A. Chambéry (ch. civ.), 20 juin 2000.
N° 00-449. - M. Jolas c/ Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et a.
M. Alberca, Pt (Cons. f.f.). - M. Leclercq et Mme Neve de Mevergnies, Conseillers.

N° 119.- INSTRUCTION.
Pouvoirs du juge. - Interception de correspondances émises par la voie des télécommunications. - Transcription de la conversation entre un avocat et son client. - Validité. - Condition.Même si elle est surprise à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s'il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction.
CRIM. - 8 novembre 2000. CASSATION PARTIELLE
N° 00-83.570. - C.A. Versailles, 21 mars 2000. - X... et a.
M. Cotte, Pt. - M. Palisse, Rap. - M. Lucas, Av. Gén. - la SCP Piwnica et Molinié, Av.

 

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N° 121.- JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES.
Droits de la défense. - Nature et cause de la prévention. - Circonstances aggravantes. - Information du prévenu d'une manière détaillée.
Le prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet et doit, par suite, être mis en mesure de se défendre, tant sur les divers chefs d'infraction qui lui sont reprochés, que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d'être retenues à sa charge.
Il en est ainsi de l'état de récidive non visé à la prévention mais retenu par la cour d'appel pour aggraver la peine.
CRIM. - 21 novembre 2000. CASSATION PARTIELLE
N° 00-80.616. - C.A. Versailles, 12 janvier 2000. - M. Berdji
M. Cotte, Pt. - M. Joly, Rap. - Mme Fromont, Av. Gén. - M. Balat, Av.

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N° 122.- JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES.
Saisine. - Etendue. - Faits visés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation. - Nécessité.
Les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des faits dont elles sont saisies par l'ordonnance de renvoi.
Encourt dès lors la censure l'arrêt qui relaxe un prévenu renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir causé des blessures à une victime par imprudence, négligence et manquement à une obligation de sécurité prévue par le Code du travail, en retenant que la violation de cette obligation n'avait pas de lien avec l'accident, sans statuer sur les faits d'imprudence et de négligence reprochés au prévenu et visés tant dans les motifs que dans le dispositif de l'ordonnance de renvoi.CRIM. - 14 novembre 2000. CASSATION PARTIELLE
N° 00-80.817. - C.A. Paris, 8 novembre 1999. - M. Fenoll
M. Cotte, Pt. - Mme Ferrari, Rap. - M. de Gouttes, Av. Gén. - la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré, Xavier et Boré, Av.

 

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1287.- RESPONSABILITE PENALE.


Homicide et blessures involontaires. - Faute. - Faute caractérisée. - Article 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000. - Application dans le temps.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 modifiant l'article 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
La loi nouvelle, qui contient des dispositions favorables au prévenu poursuivi pour blessures involontaires, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés.
CRIM. - 5 septembre 2000. ANNULATION PARTIELLE
N° 99-82.301. - C.A. Nancy, 16 mars 1999. - M. Gérard
M. Roman, Pt (f.f.). - Mme Mazars, la SCP Richard et Mandelkern, la SCP Boré, Xavier et Boré, Av.

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Délit de risques à autrui

99-87.234
Arrêt n° 2490 du 19 avril 2000
Cour de cassation - Chambre criminelle
Cassation

Demandeur : Claude Grunberg

 

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-1 du Code pénal, 485, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable du seul délit de risques à autrui ;

"alors que, lorsque la Cour est saisie d'un appel contre un jugement dépourvu de tout motif, elle doit annuler le jugement, évoquer et statuer à nouveau ; que, faute d'avoir, en l'espèce, annulé le jugement frappé d'appel et d'avoir évoqué l'affaire, la Cour a violé les articles 520, 593 du Code de procédure pénale" ;

 

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions déposées, que le demandeur, qui n'avait pas comparu devant le tribunal correctionnel, ait soulevé devant la cour d'appel, avant toute défense au fond, l'exception de nullité du jugement dont appel ;

Que, dès lors, le moyen, qui invoque pour la première fois cette exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable par application de l'article 599 du Code de procédure pénale ;


Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-1 du Code pénal, 485, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable du seul délit de risques à autrui ;

"aux motifs que le fait de rouler à une vitesse de 200 km/heure, un jour de grande circulation comme peut l'être un jour de période estivale, à une heure particulièrement fréquentée, alors que, selon les constatations des gendarmes se trouvant sur les lieux mêmes de l'infraction, les trois voies de circulation étaient utilisées, a indiscutablement exposé les autres usagers de l'autoroute à un risque immédiat de collision, nécessairement de nature, eu égard à cette vitesse, à entraîner sinon la mort, à tout le moins des blessures graves car interdisant au prévenu de réagir utilement à tout obstacle susceptible de gêner sa progression ; qu'il avait délibérément choisi de conduire à une telle vitesse éminemment dangereuse ;

"alors, d'une part, que l'infraction prévue par l'article 223-1 du Code pénal n'est constituée que si le prévenu a manqué à une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; que l'article 1.1.2.1. de la circulaire du 24 juin 1994 relative à l'application, en matière de circulation routière, des dispositions du nouveau Code pénal sanctionnant la mise en danger d'autrui précise les trois conditions auxquelles cette infraction est constituée, la troisième consistant à avoir violé une obligation "particulière" de sécurité, ce qui excluait les obligations "générales" ; que, sur les autoroutes, la limitation de la vitesse de circulation à 130 km/heure a été édictée, non à des fins de sécurité, mais à des fins exclusivement économiques, à l'époque de l'embargo pétrolier, pour réduire la consommation en carburant des automobilistes ; que, dans ces conditions, l'article R.10 du Code de la route limitant la vitesse des véhicules sur les autoroutes ne pouvait constituer une obligation particulière de sécurité et donc le fondement légal à la poursuite au sens de l'article 223-1 du Code pénal et de la circulaire d'application ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale ;

"alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 1.1.2.2. de la circulaire du 24 juin 1994, une simple violation d'une règle du Code de la route, même s'il s'agit d'un excès de vitesse, ne constitue pas le délit de risque causé à autrui si elle n'a pas pour conséquence l'exposition directe d'autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves ; qu'en l'espèce, le fait d'avoir circulé sur l'autoroute à une vitesse supérieure à 130 km/heure et même à 170 km/heure, comme le prévenu l'a reconnu, n'a pas nécessairement pour conséquence d'exposer autrui à un risque direct et immédiat de mort ou de blessures ; que cette circonstance ne constitue donc pas en elle-même, un élément constitutif suffisant de l'infraction justifiant la déclaration de culpabilité ;

"alors, de troisième part, que le prévenu avait fait valoir que, son véhicule étant en rodage à la date des faits poursuivis, il lui était impossible d'atteindre la vitesse de 200 km/heure comme cela aurait prétendument résulté de l'appareil du poste de contrôle et qu'en tout état de cause la circulation était fluide à l'heure (11 heures) à laquelle l'excès de vitesse aurait été commis en sorte qu'aucun risque direct et immédiat de causer la mort ou des blessures à quiconque n'en pouvait résulter ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces moyens des conclusions qui étaient de nature à démontrer que les éléments constitutifs de l'infraction définie par l'article 223-1 du Code pénal n'étaient pas réunis en l'espèce, la Cour a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin qu'il y a une incompatibilité manifeste entre une circulation ayant un débit de 2 400 voitures par heure et la possibilité pour un véhicule de rouler à une vitesse de 211 km/heure ; qu'en retenant sans autrement s'en expliquer et sans rechercher si une moyenne de circulation de 2 400 voitures par heure permettait à un automobiliste de circuler à une vitesse de 211 km/heure, la Cour n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité" ;

 

Vu l'article 223-1 du Code pénal ;

Attendu que, pour déclarer Claude Grunberg coupable, les juges prononcent par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser un comportement particulier, s'ajoutant au dépassement de la vitesse autorisée, et exposant directement autrui à un risque immédiat, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;


Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 7 octobre 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce designée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé.

Décision attaquée :
Arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 7 octobre 1999

Président : M. Gomez
Rapporteur : M. Arnould
Avocat général : M. de Gouttes
Avocats : la SCP Lesourd

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N° 1049.- RESPONSABILITE PENALE.
Personne morale. - Conditions. - Commission d'une infraction pour le compte de la société par l'un de ses organes ou représentants. - Nécessité.
Il résulte de l'article 121-2 du Code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Justifie sa décision au regard du texte précité la cour d'appel qui, statuant sur les intérêts civils, après relaxe définitive, déclare l'infraction d'usage d'une fausse attestation caractérisée à l'encontre d'une société en relevant, d'une part, que le conseiller en ressources humaines a engagé cette société en procédant à un licenciement fondé sur une attestation faisant état de faits matériellement inexacts et contenant un faux intellectuel manifeste, d'autre part, que lors de la production de cette attestation devant le conseil des prud'hommes puis la cour d'appel, la société savait utiliser, par les organes ayant pouvoir de l'engager, un document faisant état de faits matériellement inexacts et formellement contestés.
CRIM. - 24 mai 2000. REJET
N° 99-83.414. - C.A. Versailles, 15 avril 1999. - Société X...
M. Gomez, Pt. - M. Samuel, Rap. - M. Di Guardia, Av. Gén. - la SCP Piwnica et Molinié, Mme Thouin-Palat, Av.

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N° 1166.- RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES.

(extrait du BICC 522)

Personne morale. - Conditions. - Fusion de sociétés. - Fusion-absorption.Aux termes de l'article 121-1 du Code pénal, nul n'est responsable pénalementque de son propre fait.Il s'ensuit, dans le cas où une société, poursuivie pour blessuresinvolontaires, fait l'objet d'une fusion-absorption, que la société absorbantene peut être déclarée coupable, l'absorption ayant fait perdre son existencejuridique à la société absorbée.

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N° 43.- INSTRUCTION.

Ordonnances. - Appel. - Appel de la partie civile. - Délai. - Point de départ. - Notification. - Notification à adresse déclarée.

N'est pas régulière et ne fait pas courir le délai d'appel la notification d'une ordonnance à l'ancienne adresse de l'avocat au cabinet duquel la partie civile a fait élection de domicile alors que le juge d'instruction avait été informé de la nouvelle adresse de ce cabinet.

La nouvelle adresse du cabinet de l'avocat chez lequel la partie a fait élection de domicile ne constitue pas un changement de l'adresse déclarée soumise aux conditions de forme de l'article 89, alinéa 3, du Code de procédure pénale.

CRIM. - 10 octobre 2000. CASSATION

N° 99-87.912. - C.A. Paris, 18 novembre 1999. - Société X...

M. Cotte, Pt. - Mme Anzani, Rap. - M. Launay, Av. Gén. - M. Bouthors, Av.

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N° 814.- BANQUEROUTE.
Détournement d'actif. - Définition. - Dissimulation du produit de la vente d'un actif aux créanciers.
Constitue le délit de banqueroute par détournement d'actif prévu à l'article 197.2 de la loi du 25 janvier 1985 la dissimulation aux créanciers du produit de la vente par le débiteur d'un élément d'actif, fût-il cédé à sa juste valeur.
CRIM. - 29 mars 2000. REJET
N° 99-85.878. - C.A. Douai, 29 juin 1999. N° 99-85.878. - C.A. Douai, 29 juin 1999. - M. Fontaine et a.
M. Gomez, Pt. - M. Martin, Rap. - Mme Commaret, Av. Gén. - M. Bouthors, la SCP Defrénois et Levis, Av.

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N° 557.- 1° USURPATION DE TITRE OU FONCTION. -
Professions légalement réglementées. - Mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises. - Usage illicite du titre de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises. - Cas.
2° AVOCAT.
Usurpation de titre. - Exercice illégal de la profession. - Assistance ou représentation des parties devant les tribunaux de commerce. - Exercice habituel. 
1° Constitue le délit d'usurpation de titre ou de fonction, prévu par l'article 433-17 du Code pénal, l'usage, dans l'exercice d'une activité d'assistance ou de représentation des parties devant le tribunal de commerce, des titres de mandataire ou de mandataire près le tribunal de commerce, de nature à entraîner dans l'esprit du public une confusion avec le titre de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises. 
2° Commet le délit d'exercice illégal de la profession d'avocat, prévu par l'article 72 de la loi du 31 décembre 1971, celui qui, sans avoir la qualité d'avocat, exerce à titre habituel une activité libérale d'assistance et de représentation des parties devant les tribunaux de commerce. 
CRIM. - 1er février 2000. REJET N° 99-83.372. - C.A. Paris, 14 avril 1999. - M. Uzan 
M. Gomez, Pt. - M. Blondet, Rap. - M. de Gouttes, Av. Gén. - M. Choucroy, Av. 

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N° 1360.- ACTION CIVILE. 
Electa una via. - Caractère d'ordre public (non).
La fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du Code de procédure pénale (maxime "electa una via") ne protégeant que les intérêts privés, sa violation ne peut être relevée par la juridiction d'instruction qu'à la demande de la partie concernée.
Ne constitue pas une telle demande la lettre adressée au juge d'instruction par une personne mise en cause dans la plainte avec constitution de partie civile, cette personne n'ayant pas la qualité de partie à l'information.
CRIM. - 10 octobre 2000. CASSATION SANS RENVOI et IRRECEVABILITE 

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N° 1361.- ACTION CIVILE. 
Préjudice. - Réparation. - Enfant naturel du conjoint de la victime décédée. - Enfant vivant au foyer. - Préjudice économique résultant de la perte des revenus.
Encourt la cassation l'arrêt qui refuse de réparer le préjudice économique d'un enfant naturel du conjoint de la victime d'un homicide involontaire au motif de l'absence de lien de filiation alors qu'il n'était pas contesté que cet enfant vivait au foyer du défunt et était à sa charge.
CRIM. - 17 octobre 2000. CASSATION PARTIELLE 

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N° 759.- IMPOTS ET TAXES. 
Impôts directs et taxes assimilées. - Procédure. - Infractions. - Constatation. - Vérifications ou contrôle. - Vérification de la situation fiscale ou de la comptabilité du contribuable. - Formalités. - Débat oral et contradictoire. - Bénéficiaires. - Société en liquidation judiciaire. 
En cas de vérification fiscale d'une société faisant l'objet d'une liquidation judiciaire, les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et le principe d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification doivent bénéficier tant au liquidateur désigné dans la procédure qu'au dirigeant de la société, pénalement responsable du délit de fraude fiscale (arrêts nos 1 et 2). 
Justifie sa décision la cour d'appel qui fait droit à l'exception de nullité de la procédure en relevant que la vérification s'est déroulée hors la présence du liquidateur et du gérant de droit de la société en liquidation judiciaire (arrêt n° 1). 
Justifie de même sa décision la cour d'appel qui fait droit à l'exception de nullité de la procédure résultant de l'absence d'envoi ou de remise de l'avis de vérification au dirigeant de la société en liquidation judiciaire, dont la qualité de gérant de fait était connue de l'administration des Impôts (arrêt n° 2). 
Arrêt nâ 1 : CRIM. - 1er mars 2000. REJET 
N° 98-85.818. - C.A. Montpellier, 12 mai 1998. - Procureur général près ladite cour et a. 
M. Gomez, Pt. - M. Roger, Rap. - M. Di Guardia, Av. Gén. - M. Foussard, la SCP Waquet, Farge et Hazan, Av. Arrêt nâ 2 : 
CRIM. - 1er mars 2000. REJET 
N° 99-82.532. - C.A. Aix-en-Provence, 11 février 1999. - Procureur général près ladite cour et a. 
M. Gomez, Pt. - Mme de la Lance, Rap. - M. Di Guardia, Av. Gén. - MM. Foussard et Choucroy, Av. 

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N° 761.- INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION. - 
Demande. - Délai. - Forclusion. - Suspension. - Mineur non émancipé. 
Selon l'article 706-5 du Code de procédure pénale, à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de 3 ans à compter de la date de l'infraction. Selon l'article 2252 du Code civil, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf ce qui est dit à l'article 2278 dudit Code et à l'exception des autres cas déterminés par la loi. 
Viole les textes susvisés une cour d'appel qui déclare irrecevable l'action en indemnisation engagée par la victime d'une infraction commise durant sa minorité, alors que devant la carence de son représentant légal, elle avait saisi la commission d'indemnisation dans les 3 mois de sa majorité, ce dont il résultait que le délai de prescription avait été suspendu pendant sa minorité et que la forclusion n'était pas encourue. 
CIV.2. - 20 avril 2000. CASSATION 
N° 98-17.711. - C.A. Paris, 7 mai 1998. - Mlle X... c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions 
M. Guerder, Pt (f.f.).- M. de Givry, Rap. - M. Chemithe, Av. Gén. - M. Pradon, Av. 

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N° 762.- INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION. - 
Indemnité. - Refus ou réduction. - Faute de la victime. - Constatations suffisantes. 
Caractérise une faute de la victime en relation avec son assassinat, excluant toute indemnisation de ses ayants droit, l'arrêt qui retient que le comportement de la victime, proxénète intégré au milieu, ayant eu des rencontres en vue de la cession d'une prostituée, dans un bar où s'est produite la fusillade après qu'il y eut passé toute la journée sans que cela se justifiât autrement que par une attitude d'attente. 
CIV.2. - 20 avril 2000. REJET 
Nos 98-12.215 et 98-16.359. - C.A. Aix-en-Provence, 7 mai 1997. - Mme Audemar et a. c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions M. Guerder, Pt (f.f.).- Mme Kermina, Rap. - M. Chemithe, Av. Gén. - la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Coutard et Mayer, Av. 


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